Paris Brest Paris: Jean Rousson : La passion intacte !

Jean Rousson : La passion intacte !

 

Sa passion, c’est le vélo, depuis presque toujours. A 72 ans, Jean continue de sillonner les routes et n’hésite pas à se lancer de nouveaux défis. Cette année il a choisi de prendre le départ de Paris Brest Paris, épreuve de 1218 km, et nous lui avons demandé de nous faire part de cette expérience.

 

Tout d’abord, rappelons le passé sportif de Jean.

En 1969, à 18 ans, il signe sa première licence au club de la Pédale Sportive Creusotine (devenu aujourd’hui Creusot Cyclisme).

A l’aise dès que la route s’élève, il gagne sa première course l’année suivante à Marmagne sur un parcours exigeant : 5 fois l’ascension de la Croix Blanchot !

Montant régulièrement de catégorie il dispute son premier Circuit se Saône et Loire en 1975, une course par étapes, internationale à l’époque. Il participera également au Circuit de Côte d’Or et au tour de Haute Marne.

A 36 ans, il fait un break, apprend à nager au club De Montchanin Natation et dispute des compétitions en Master.

Après 3 ans, retour au cyclisme, plus spécialement en VTT Xcountry où il sera vice-champion de Saône et Loire.

4 ans plus tard, Jean revient sur la route et en 2006 il prend la double licence FFC/FSGT. Il devient alors champion de Bourgogne FFC Pass Cyclisme en 2009 et champion de Bourgogne Masters FSGT en 2011 et 2013.

De 2014 à 2022, jean se consacre presque exclusivement aux cyclosportives. Toujours à l’aise dans les côtes, il finit très souvent sur le podium dans sa catégorie d’âge.

 

Maintenant, laissons Jean s’exprimer.

Lundi 21 août 2023, Parc du Château de Rambouillet (Yvelines), il est 5 H 30 du matin et le départ du 20ème Paris Brest Paris vient d’être donné. Je suis dans la 25ème vague sur 27 et je m’élance fébrilement vers l’inconnu : 1218 km annoncés, finalement 1228 au compteur pour un dénivelé positif de 11736 mètres.

 

Mais comment en suis-je arrivé là ?

En 2021 j’ai terminé ma saison de cyclosportives sur un sentiment mitigé. D’un côté je remportais le Trophée Passion, un challenge sur 8 cyclosportives (catégorie 70 ans et +), et d’un autre côté j’étais de plus en plus stressé en course où je trouvais que l’on prenait beaucoup trop de risques sur des routes ouvertes à la circulation.

En 2022, sur les conseils de Fred, un ami cycliste adepte de l’ultrabike, je me suis orienté vers la longue distance avec les brevets de randonneurs mondiaux (BRM). C’est ainsi que j’ai fait deux 200 et un 300 km et j’ai bien aimé.

Cette année l’Audax Club Parisien organisait son 20ème Paris Brest Paris, épreuve qui a lieu tous les 4 ans. Là encore c’est Fred, lui même partant, qui m’incita à me pré-inscrire en février, l’inscription ne pouvant être validé qu’après avoir fait des BRM de 200, 300, 400 et 600 km de mars à juin.

Après ces formalités je n’étais plus décidé à prendre le départ : sur le 600 j’avais trop souffert du popotin, alors sur plus du double de distance…

Puis face à de nombreux encouragements je validai mon inscription dans les derniers jours en choisissant un départ le lundi matin avec un délai maximum de 84 heures.

Restait un mois et demi avant le jour J pour se préparer. Au niveau entraînement, le foncier étant acquis, j’ai juste entretenu mon niveau avec des sorties « loisirs » et la dernière semaine j’ai tout arrêté pour arriver au départ avec une grande envie de rouler. Petite entorse à cette diète, le test du matériel en situation réelle, à pleine charge. Et là, surprise, le vélo pèse exactement 15,2 kg dont 1,8 kg de bidons pleins ! Il faut dire que j’ai été prévoyant (un peu trop ?) Bien qu’ayant changé tous les câbles j’ai quand même pris un câble de dérailleur et un de frein; avec des pneus neufs j’ai emporté 3 chambres à air et des rustines !

J’ai monté des prolongateurs pour le confort (je les ai souvent utilisés, évitant ainsi les douleurs aux paumes de mains).

A cela ajouter un double éclairage avant et arrière, une frontale, deux batteries annexe pour tout recharger.

Compléter avec de l’outillage, du ravitaillement, une trousse de premier secours, des affaires de toilette…

Sans oublier l’équipement vestimentaire : gilet réfléchissant, une tenue de rechange, imper, jambières et manchettes pour les nuits…on est vite en surcharge ! Tout ça réparti dans des sacoches (guidon, cadre et sous la selle).

Revenons à la course, qui n’en est pas une, du moins sur le papier. La météo annoncée est bonne pour moi, c’est à dire pas de pluie et chaleur. Je n’ai pas vraiment de plan de marche, c’est roule et tu verras au fur et à mesure ! Ne pas penser à tout ce qui reste à parcourir, juste comme objectif le contrôle suivant, et il y en a 13 de répertoriés plus 2 secrets..

Après un départ typé cyclo-cross dans les allées du Parc nous nous enfonçons à vive allure dans la nuit, si bien que près de 30 km sont couverts dans la première heure. Je me dis qu’il faudra se calmer si je veux voir Brest, mais 28 km sont encore parcourus la deuxième heure. Le soleil s’étant levé et réchauffé les corps, nombreux sont ceux qui s’arrêtent pour se dévêtir, ce qui a pour effet d’éparpiller les concurrents.

J’essaie de trouver un groupe pour rouler ensemble mais c’est compliqué, vraiment compliqué : les groupes se font et défont au gré des envies de chacun. En réalité c’est très individuel et je n’ai jamais trouvé plus d’une quinzaine de partenaires, chacun « fait sa course » selon ses choix. Les arrêts sont multiples : besoins naturels, boulangeries, bistrots, restos (surtout pizzerias) pour certains, petites pauses réparatrices, prendre des photos, dormir…Surtout après les contrôles le groupe est dispersé du fait du temps passé sur le site pour les formalités, ravito, pause…

Fidèle à mon absence de plan j’évolue au feeling. Dans la majorité des points de contrôle on peut acheter de quoi manger et boire et parfois de dormir (places limitées) et je ne m’en suis pas privé. Quand j’en éprouvais le besoin je mangeais sur place, à table, et ça faisait en même temps une pause. C’est ainsi qu’à 02 H 00 du matin je prenais une soupe, omelette, yaourt et tartelette ! Pour dormir j’ai opté pour les dortoirs organisés et payants, des lits de camp installés dans des gymnases. Je ne me voyais pas dormir dans la nature. A l’aller comme au retour, j’ai dormi 2 heures à Loudéac, km 435 et km782. C’est spécial : 200 personnes côte à côte, les ronflements, les odeurs, les arrivées et départs incessants, les sonneries de réveil sur smartphone alors qu’un bénévole vous réveillait à l’heure souhaitée. Que dire de celui qui à mis près d’une minute pour stopper son alarme !! Bouchons d’oreille obligatoires.

Etrangement, les redémarrages à 3 – 4 heures du matin ne me posaient pas trop problème. Par contre j’étais souvent seul, je voyais plus de gars dormir sur les bas-côtés que rouler sur la route. Certains avaient du mal à lutter contre le sommeil, comme ce canadien qui zigzaguait et insistait pour aller au contrôle suivant avant de dormir. Je lui ai servi de poisson pilote sur les 8 km restant. Par 2 fois j’ai rattrapé des solitaires qui circulaient en permanence à gauche, comme dans leur pays. A moitié endormis, les automatismes reprenaient le dessus.

La nuit je roulais moins vite, très attentif aux animaux sauvages qui pourraient traverser. Avec les économies d’énergie, la traversée des villes et villages sans éclairage public rajoutait des difficultés : se méfier des ralentisseurs, chicanes, rétrécissements…et faire attention à ne pas se tromper de route.

Epargné par tout souci mécanique je progresse à mon rythme, largement dans les délais imposés. Les Monts d’Arrée et le Roc’h Trevezel, le point culminant de la Bretagne, sont LA difficulté de l’épreuve. Sans problème pour moi, mais certains montaient à pied dont un gars avec un VTT fat bike ! Faut dire que sur Paris Brest on voit de tout comme monture, tandem, tricycle, vélo couché, vélo caréné, vélo à 3 roues, mini vélo, vélo elliptique…D’ailleurs une vague de départ spécifique leur est réservée.

La traversée de la Bretagne mérite d’être vécue, jamais je n’ai vu une telle ferveur. Les habitants installent des stands de ravitaillement solide et liquide devant leur habitation et vous invitent à en profiter gratuitement, même la nuit, juste en échange de quelques anecdotes sur notre parcours. Un beau partage humain sur le bord de route mais aussi sur la route avec des compagnons venus du monde entier. 71 nationalités recensées (43% de français) avec de grosses délégations comme les Etats-Unis (461), le Japon (364) le Brésil (135) mais aussi des minorités telles l’Argentine, Colombie, Vietnam, Zimbabwe, Nigéria, Sri Lanka. Avec mon anglais niveau scolaire, j’ai ramé pour converser avec eux mais j’en garde un bon souvenir. J’ai été surpris par les japonais en m’apercevant qu’ils parlaient aussi mal l’anglais que moi. J’ai cru comprendre que ce sont surtout les jeunes qui pratiquent l’anglais et comme la moyenne d’âge sur Paris Brest est de 51 ans…

Egalement les automobilistes bretons ont un grand respect pour les cyclistes, leur laissant priorité et ne doublant que lorsqu’ils peuvent le faire sans risques. Un autre monde !

 

Mercredi, mon 3ème jour, il a fait très chaud jusqu’à 30°, ce qui a provoqué de grosses défaillances et abandons. J’ai juste souffert d’un superbe coup de soleil sur mon grand nez !!

J’atteins Dreux, dernier contrôle avant l’arrivée à Rambouillet, jeudi matin à 1 H 30 et je décide d’en terminer car des orages sont annoncés. Je m’offre quand même une belle assiette de lasagnes avant de repartir. A la sortie de Dreux je rattrape Raphaël, un lyonnais qui roule en fixie (pignon fixe) et en sandales, avec des cales quand même ! Nous ferons connaissance sur les 40 km restants, côte à côte, et ne verrons pas passer le temps.

 

Terminus à Rambouillet à 4 H 05, ravi d’en terminer sans aucun problème mécanique ou physique (à part un peu mal au c..).

Le compteur affiche 1228,4 km pour 51H51 de vélo, soit 23,7 de moyenne et un temps global de 70 heures 25.

Malgré que ce soit une randonnée, les organisateurs ont publié un classement, provoquant des remous justifiés chez les puristes. Je suis 890ème sur 4866 finishers (6431 partants).

Le 1er est un américain de Détroit, un triathlète ironman confirmé, qui réalise 41 H 46 et qui a déclaré ne pas avoir du tout dormi. Si on applique le règlement, il est hors délai car arrivé avant les 42 heures minimum !

 

De retour chez moi, j’ai dormi 12 heures et les jours suivants je n’ai pas eu de récupération difficile.

De ce Paris Brest Paris je retiendrai une belle expérience, sportive et humaine. Une organisation exemplaire avec 2600 bénévoles dévoués. Un fléchage au top, dispensant de GPS, allant jusqu’à offrir une pancarte de fléchage pour éviter aux collectionneurs d’en prendre sur la fin de parcours.

 

Le referais-je ? Ce serait dans 4 ans et l’âge avançant…N’empêche qu’il y avait 5 octogénaires au départ, le plus ancien ayant 85 ans !

En attendant j’encourage chacun à tenter ce magnifique challenge. Il n’y a rien de surhumain.

 

Auteur: Christian Derangère

Rédacteur sur www.creusot-cyclisme.com.

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